S’il est un « marronnier » de la politique en France, au-delà de la fiscalité et des niches (fiscales et sociales), c’est bien la refonte du système des retraites. Normal, c’est une question à 330 Mds, versés annuellement aux pensionnés soit 13.7% du PIB.
La difficulté réside dans la gestion de ces montants assujettis à 42 régimes, dont 11 véritablement « spéciaux » ( dont SNCF et RATP, mais aussi le secteur énergie IEG, les militaires, policiers, marins, BDF, Opéra, etc..), qu’il s’agissait d’unifier en un régime unique avec cependant de possibles variantes professionnelles.
La réforme des retraites en un système universel à points avait été mis au programme du candidat MACRON dès 2016. Le projet de loi après les élections avait été retardé par des réformes plus urgentes, moins complexes et surtout par la nécessaire négociation avec les parties prenantes. Rappelons qu’en Suède la réforme avait pris plus de 10 ans et fait encore l’objet de discussions, contestations et ajustements. Un Commissaire du Gouvernement avait été nommé qui a mené des tractations pendant 2 ans sans faire le nécessaire travail de pédagogie et de rapports d’étapes publics. Pire, nommé ministre pour la mise en délibération parlementaire, il a du se démettre s’étant pris les pieds dans le tapis d’activités parallèles non déclarées.
Il convient de rappeler au préalable que les retraites complémentaires, qui avaient été mises en place dès 1947 avec le soutien sinon à l’initiative de la CGT, sont soumises au système à points à la satisfaction de tous.
Rapidement la contestation est née sur la base du refus absolu des syndicats CGT, SUD et FO opposés à la mise en place de la réforme à la SNCF et la RATP qui restent leurs bastions. S’y sont joints pour des raisons différentes sinon diverses, les professeurs, les hospitaliers, les avocats, et les danseurs de l’Opéra.
,Mais l’opposition est également venue de la CFDT, initialement favorable au système à points devant la volonté de l’exécutif d’introduire à ce stade la question du financement avec l’âge pivot. De même la CGC s’est élevée contre la dernière tranche de cotisation réduite à 120.000 euros par an, privant le système des cotisations des revenus élevés (et prêtant ainsi le flanc à une ouverture accrue de la retraite par capitalisation, (voir la controverse à propos de BlackRock). Le rétablissement des clauses de pénibilité pour compenser les différences d’espérance de vie en bon état est aussi venu faire débat, malgré la difficulté d’en définir des règles simples à appliquer par métiers ou par fonction.
Enfin d’autres ont évolué, comme PIKETTY initialement favorable au système à points, qui a préféré pour des raisons de justice sociale, se tourner vers un système en « prestations définies » monétairement, plus « vendables », avec un taux de remplacement par tranches décroissantes de 85% pour les bas revenus à 50% pour les plus élevés.
Mais revenons à l’âge pivot, pierre d’achoppement avec la CFDT, seul syndicat véritablement favorable au système à points. La critique sur ce point est soutenue à deux niveaux, celui de la finance et celui de la justice.
D’abord il est maladroit de mélanger réforme systémique (points) et paramétrique (équilibres) : on ne court pas deux lièvres à la fois (Laurent BERGER). Aussi l’urgence n’est pas telle qu’il faille en polluer les discussions dès maintenant alors que le COR ne prévoit depuis peu un peak des déficits que pour 2027. Le déficit avancé par le COR pour 2023 n’est que de 5 Mds, modéré par rapports aux concessions aux contestataires jaunes de près de 15 Mds. De plus des amortisseurs ponctuels existent : les 140 Mds des réserves des complémentaires AGIRC et ARRCO et les 36 Mds du FRR (Fonds de réserve des retraites), sans compter les rentrées, sans compter les rentrées de la CADES à partir de 2025, soit 18 Mds par an. Enfin les prévisions du COR ont tellement varié dans le passé qu’ils peuvent varier dans l’avenir et dans les deux sens.
Mais le plus contestable est le principe même de l’âge pivot. Que la retraite à taux plein soit à 62 ou 64 ans, cela ne définit aucunement une carrière complète permettant l’ouverture des droits. La carrière complète ne peut être définie que par la durée de cotisation. Sur la dernière base des 172 trimestres, soit 43 ans, pourquoi un jeune ayant commencé de travailler à 15 ans devrait-il s’arrêter à 62 ou 64 ans alors qu’il aurait rempli son contrat de cotisations à 58 ans. De quel droit un diplômé devenu actif à 25 ans ou plus pourrait-il s’arrêter à 64 ans alors qu’il n’aurait cotisé que pendant 39 ans !
En conséquence et sur ce principe, s’il fallait équilibrer le système de retraites seul l’ajustement futur de la durée de cotisation devrait être pris en compte dans un souci de justice.
Enfin si l’on veut rendre les syndicats plus représentatifs et moins radicaux, il convient d’en rendre l’adhésion obligatoire pour tout salarié avec cotisation définie et abondée par les pouvoirs publics et de mettre fin au financement des organisations syndicales.
10 janvier 2020