BILAN 2023 : quitte ou double

L’année 2023 a été passablement chaotique sur le plan intérieur, avec une laborieuse réforme des retraites, péniblement finalisée en mars par le recours au 49.3, puis des émeutes, vandalismes et pillages en juillet suite à une bavure policière au cours d’un contrôle routier, et enfin en décembre, un processus désastreux des négociations sur la 29ème loi sur l’immigration depuis 1980.

L’année 2023 a été définitivement dramatique sur le plan international avec la poursuite d’une guerre hautement meurtrière en Ukraine après l’invasion russe du 24 février 2022 (300.000 morts militaires dont près de 3/4 russes et le triple en blessés selon certaines estimations) et destructrice avec près de 30.000 victimes civiles en  Ukraine en 22 mois, sans compter les milliers d’enfants « déplacés » et plus de 700 Mds de dommages estimés à mi 2023 ! En fin d’année la guerre à Gaza fait à ce jour plus de 20.000 morts civils dont près de la moitié d’enfants, après le massacre terroriste de 1400 victimes, principalement civiles, le 7 octobre 2023, perpétré par le Hamas dans le sud d’Israël. Ceci sans compter les autres conflits et guerres civiles dans un monde en voie de déstabilisation.

La France prévoit une croissance d’environ 1% en 2023, à comparer avec une légère récession en Allemagne après deux trimestres négatifs. Le chômage est resté presque stable avec 7.2%. Malgré des ventes d’armes record, des ventes et surtout un carnet de commandes exceptionnels pour Airbus et une forte reprise des exportations d’électricité au dernier trimestre (après la remise en état des réacteurs en révision durant l’année 2022),  le déficit commercial continue de se détériorer à près de 150 Mds. Ce solde négatif est principalement dû à l’augmentation des prix de l’énergie pour 80 Mds, des matières premières et produits agricoles. Le déficit de la balance des paiements sera quant à lui limitée à quelques 40 milliards grâce aux entrées de capitaux dus aux investissements étrangers, et à la reprise du tourisme qui aura représenté un solde positif de 20 milliards durant l’année. Restent 3000 Mds de dette souveraine qu’il faut commencer à réduire, malgré un déficit prévu au budget 2024 de 4.4%. Sans compter les 12 Mds d’économies à trouver pour le budget 2025 selon le Ministère des Finances.

Sur le plan politique la gestation de la réforme des retraites aboutissant à un recul de l’âge de départ de 62 à 64 ans a pris l’allure d’un chemin de croix après l’obstination de l’exécutif de refuser de se concentrer sur la seule durée de cotisation à 43 annuités ou plus si nécessaire (en prolongement de la réforme Touraine de 2013). Cette approche aurait été plus équitable et plus acceptable par les syndicats et notamment par la CFDT, même  si les partis politiques d’opposition, et principalement de LFI, auraient alors mis en œuvre les mêmes pratiques d’obstruction parlementaire.

Plus généralement le manque de majorité absolue des partis soutenant l’exécutif et la culture politique en France rétive aux coalitions ou même au consensus, comme dans certains pays voisins, et le recours à 29 reprises du 49.3 par la première ministre, n’a pas empêché une certaine efficacité législative avec le passage de plus de 50 textes de lois adoptés à l’Assemblée.

Au niveau de l’Europe, les 27 ont fait preuve d’une unité exceptionnelle et miraculeuse, principalement à cause de la menace sur le front Est et de la guerre en Ukraine. Ainsi l’ensemble des pays de l’Union se réarme et le taux de 2 % de dépenses de défense, est désormais l’objectif de chacun, soit un volume d’engagements  potentiel pour l’ensemble de quelques 300 Mds (alors même que la Pologne se dirige progressivement vers un taux de 4 % de son PIB). Il convient de rappeler qu’à l’époque de la guerre froide les budgets européens de la défense représentaient 3 % du PIB.

L’Allemagne est en proie à des difficultés croissantes partiellement liées à une coalition peu homogène, mais surtout à un modèle économique remis en cause : perte du gaz russe pour son énergie bon marché, abandon du nucléaire, difficulté du secteur automobile « made in Germany » face à l’électrique et à la concurrence chinoise, baisse des exportations en Chine, remise en cause de la chimie énergivore et polluante, investissements dans les infrastructures et dans la défense très en retard. Ces enjeux remettent en cause le supposé « couple » franco-allemand et les équilibres politiques dans l’Union;

Enfin, l’Union européenne est en train d’élaborer progressivement une politique commune de l’immigration, basée sur la sélectivité, l’intégration, et le contrôle plus efficace de l’immigration non désirée et illégale. Les élections européennes de 2024 restent néanmoins sous la menace des partis de droite plus ou moins extrêmes ou populistes et les partis centristes sont à la peine.

Aux États-Unis la croissance sera faible en 2023 soit probablement moins de 1 %, après deux années ébouriffantes, malgré la politique d’aide massive à l’investissement et à la production sur le sol américain initiée en 2022. Le chômage a reculé à 3,8 %  et l’inflation est en train de se stabiliser à 3%. Malgré ces bons résultats économiques et une légère majorité au Sénat, les démocrates sont en butte à l’opposition de la Chambre des représentants sur le sujet de l’immigration en provenance du Mexique et sous la menace quasi sectaire des partisans de Trump en vue des élections de fin 2024. Sauf à espérer une prise de conscience des républicains raisonnables, le risque d’une déstabilisation mondiale n’est pas exclu, à mettre en perspective avec un budget de la défense US de 768 Mds soit 3% de son PIB.

La Chine connaît un ralentissement notable de sa croissance, à  quand même +5%, avec une baisse des exportations , une hausse des coûts d’importation de l’énergie, un chômage des jeunes en forte hausse et les déboires du secteur immobilier dramatiquement arrêté et en manque de financements. Ceci freine leur développement international et notamment l’extension des routes de la soie et les financements des projets en Afrique (les prêts et investissements en Afrique représentent à ce jour et en cumul plus de 100 Mds de dollars dont un quart dans les secteurs de l’énergie, des infrastructures de transports et de l’eau). Cette politique sera poursuivie, bien que de façon plus mesurée, afin de d’assurer l’approvisionnement de ses ressources stratégiques et la conquête des sièges dans les organismes internationaux. Ces difficultés qui ont fait suite notamment aux erreurs de la politique de zéro covid en 2022 et qui contrastent avec les ambitions géopolitiques de la Chine, ont amené le pouvoir à entretenir la flamme nationaliste dans la « mer dite de Chine » et notamment vis à vis de Taïwan autour duquel les bruits de bottes, les incursions maritimes et aériennes font peser les risques d’une confrontation, avec à l’appui un budget de la défense de plus de 225 Mds de dollars soit 2% de son PIB.

En Inde, avec 1.4 Mds, la population, très jeune, dépasse désormais celle de la Chine, bien plus âgée. La montée en puissance de l’économie avec une croissance de plus de 6% est illustrée par ses succès spatiaux et ses dépenses militaires (dont les Rafales et sous-marins « made in France »).

En Russie, dans une économie de guerre, fait face à une inflation de plus de 5 %, à un taux directeur de 12 % et à la chute du rouble qui a perdu la moitié de sa valeur depuis mi 2021 , le pouvoir est obligée de faire appel à l’aide militaire des « grandes démocraties » que sont l’Iran, la Corée du nord et la Chine, dans sa poursuite du fantasme pour reconstituer l’ancien glacis soviétique, lequel s’étendait de Vladivostok jusqu’à Berlin Est. Ainsi, la Russie prévoit d’augmenter son budget de défense (ou d’attaque) de 70 %, à 115 Mds en 2024, soit 7% de son PIB. Dans ce contexte, l’ « exécutif », au sens étymologique, n’hésite pas à enfermer ses opposants et à éliminer physiquement ses vassaux, oligarques et généraux, mercenaires Wagner, un tant soit peu contestataires. Le pouvoir a par ailleurs soigneusement purgé les candidats potentiellement dangereux à l’élection présidentielle de 2024, et seul le niveau de participation aura quelque sens pour décrypter les tendances.

Plus largement et au niveau mondial, les dictatures, l’illibéralisme et le populisme, parfois teintés de libertarianisme à la sauce Milei comme en Argentine, prospèrent, du Venezuela, Nicaragua et Salvador, à la Russie, Syrie, Iran, Birmanie, Chine, Corée du nord, Afghanistan et autres, et font preuve de leurs capacités de nuisance à l’international. Il faut encore une fois rappeler que 70% de la population mondiale vit sous des régimes non démocratiques. Les seules bonnes nouvelles en 2023 viennent de Pologne avec l’avènement de Tusk et d’Italie avec  la révélation de la fibre européenne et la modération pragmatique de Meloni, en attendant l’entrée en vigueur de la taxe mondiale sur les sociétés de 15% à partir du 1er janvier 2024.

Alors qu’attendre de 2024  et de la suite ? L’économie mondial, européenne et française dépendra largement de la géopolitique et des élections européennes et surtout américaines. Il faut, par ailleurs, espérer la poursuite des investissements  et des politiques dans la transition énergétique et la réduction des émissions de CO2. La décision de la France d’étendre de 6 à 14 réacteurs supplémentaires son parc nucléaire et le renforcement du « club nucléaire européen » malgré les réticences de l’Allemagne, vont dans le bon sens. Le pli semble pris avec la mention de la « transition » sinon de la fin des énergies fossiles à la COP28. Enfin, alors que la population mondiale a atteint en 2023 le chiffre de 8 Mds d’individus, les démographes annoncent un plateau et même une décroissance à partir de 2050 en dépit du niveau actuel du taux de fécondité africain amené à décliner.

Le 6 janvier 2024