Management

Sommaire :
– Les 100 jours ( avril 2004)
– The day after (juin 2004)
– Changer de job (janvier 2005)
– A la recherche du temps perdu ‘février 2005)
– Rémunération des dirigeants (sept 2006)

LES 100 JOURS

Le changement de job est une étape importante dans la vie professionnelle (presque autant que le premier job), car il permet de se remettre en question et de « changer de peau », et donc de modifier la perception qu’ont les autres de soi, sur la base des dits et gestes. C’est exactement ce que visait Napoléon en revenant de l’île d’Elbe, mais son entreprise, de Golfe Juan à Waterloo, ne fut pas aussi heureuse.

Or, cette perception des autres s’élabore assez rapidement et les 100 jours de l’empereur constituent un assez bon étalon d’unité de temps. Il est d’autant plus important d’en être conscient, que l’image ainsi recomposée devient rapidement indélébile et on aura toutes les peines du monde à corriger le tir. Les politiques le savent bien, même s’ils confondent les 100 jours avec la période de grâce, qui n’en est pas une, mais plutôt un temps mort et d’inertie des réactions, doublement trompeur.

Diagnostic

Il est crucial de profiter de cette période de passage pour s’évaluer le plus honnêtement possible, quitte à se faire aider par un proche, un ancien collègue de travail plus senior et qui mérite votre confiance, ou même un professionnel si nécessaire.

Cette évaluation doit être exhaustive et il importe de définir d’abord la liste des rubriques parmi les catégories suivantes : présentation physique, personnalité, technicité, expérience professionnelle, relations avec les autres. On veillera à multiplier les rubriques pour éviter les généralités et une vingtaine d’ « items » est un minimum. La notation sera plutôt binaire et on évitera les positions neutres. On choisira par exemple excellent, bon, médiocre et mauvais en donnant par convention une note à chaque niveau.

Cet exercice se fera impérativement par écrit et le retour au carnet de notes de notre enfance sera d’autant moins traumatisant qu’il sera le résultat d’une auto-évaluation pour son bénéfice personnel. Par analogie au carnet de notes, on pourra corser l’exercice en introduisant des coefficients basés sur sa hiérarchie personnelle ou sur la perception des priorités de l’entreprise intégrée, ou un mélange des deux. Le calcul d’une moyenne facilement disponible sur n’importe quel tableur n’aura qu’un intérêt limité par manque de comparaison avec les autres, mais sera utile pour apprécier ses progrès dans le temps.

Objectifs personnels

A partir de ce Diagnostic, il faudra définir, par écrit encore, des objectifs personnels hiérarchisés par ordre d’importance et en déterminant de façon précise (et par écrit) pour chacun, les moyens et méthodes, les délais, les critères de « réévaluation » et les sanctions positives et négatives. Il est intéressant de noter que des groupes associatifs tels que les Weight Watchers, les Alcooliques Anonymes ou plus prosaïquement ceux qui veulent arrêter de fumer, procèdent de la même façon.

Les sanctions doivent être réelles et les sanctions positives seront d’autant plus importantes que l’on sera amené à en faire bénéficier son entourage, qui sera certainement impliqué dans le projet et dans le « passage ».

Cette « réévaluation » devra être périodique et systématique, de telle sorte à être en mesure d’apprécier les progrès et l’on ne pourra arrêter l’exercice qu’après avoir atteint 80%, par exemple, de ses objectifs.

Objectifs professionnels

Il est impératif de repartir de la description de poste préalablement obtenue et qui doit comporter en préambule la stratégie de la société et la mission du poste qui en découle. Savoir pourquoi on a été « coopté » et pour faire quoi, que n’importe qui d’autre ne pourrait pas faire, est une information intéressante et dont il faut tenir compte pour ne pas faire de contre-sens.

Cette description de poste doit comporter la liste des responsabilités et tâches, mais aussi, ce qui est rare les « interdits » ou ce qui n’est pas de sa responsabilité. Combien de fois ne voit-on pas des candidats qui accaparent des fonctions qui ne sont pas les leurs, par intérêt personnel, au risque de passer à côté de leurs véritables responsabilités.

Enfin la description de poste doit comporter la liste des objectifs à court (3mois) et moyen (1 an) terme et si ces indications manquent, ce qui est fréquent, il importe de le demander, ou à défaut de le proposer soi-même en prenant soin de la faire valider. Là encore il est fréquent de voir des candidats perdre le cap et se faire plaisir en oubliant d’aller à l’essentiel, c’est à dire ce pour quoi on a été choisi.

De tout ce qui précède, il faudra en déduire une liste des objectifs professionnels, toujours écrite, avec détails et délais, que l’on passera en revue journellement pour s’en pénétrer et pour s’assurer de tenir le cap. Il faudra également réviser périodiquement cette liste, sur la base des informations obtenues de l’intérieur ou des discussions permettant de mieux comprendre le fonctionnement de la société. Il sera cependant prudent de faire avaliser ces modifications, pour être sûr d’être encore dans les traces de son rôle.

Le « tutoring »

Décoder les us et coutumes d’une société nouvelle et que l’on ne connaît pas est toujours périlleux et comporte de nombreux risques de contre-sens. De plus, les erreurs des premiers jours sont toujours longues à corriger, et il est commun de rappeler que la gomme s’use bien plus vite que le crayon.

Le « coaching » est une solution de luxe que les entreprises sont rares à proposer et dont le principe n’est pas entré dans les mœurs professionnelles françaises. La société et à fortiori son patron ne peuvent se tromper et l’échec est toujours imputé au candidat.

Aussi est-il bon de se choisir un « tuteur » formel, ou plus fréquemment informel, qui aidera à la bonne intégration du candidat dans la société et qui lui apportera les clés des codes sociaux, relationnels et professionnels indispensables. Le tuteur sera un ancien de la société, qui ne sera pas directement partie prenante de travaux produits par le nouvel entrant, et ne sera surtout pas dans sa ligne hiérarchique. Il sera suffisamment ferme et franc pour être utile dans son rôle de tuteur, qu’il endossera sans complaisance.

L’appartenance à un groupe permet une autre forme du « tutoring » plus soft et plus productive à long terme : les relations avec ses homologues internationaux et en priorité européens. Outre l’avantage politique non négligeable de se constituer un réseau de relations utiles, cela permet d’éviter des erreurs de culture et de profiter des avancées et innovations techniques ou commerciales, sans avoir besoin de redécouvrir la roue. Ce type de contacts est souvent négligé soit par souci d’indépendance soit par simple manque de temps, alors que des réunions au moins trimestrielles ou des contacts téléphoniques au moins mensuels sont indispensables.

La construction de son « fonds de commerce »

Prendre un nouveau job, c’est d’abord réussir. Classiquement cela prend au moins trois ans : un an pour comprendre et survivre, un an pour réussir et s’imposer et un an pour commencer à envisager une évolution, de préférence interne, un accroissement de ses responsabilités, une nouvelle fonction. Plus on est senior, plus ces délais sont longs et le cycle s’allonge jusqu’à 7 ans pour les dirigeants de 45 ans et plus.

Mais dans tous les cas de figure il importe de cultiver durant tout ce temps son « fonds de commerce » personnel. Plus d’un professionnel de haut niveau  se retrouve, après un accident de parcours (restructuration, fusion, faillite), riche d’un métier et démuni de véritable fonds de commerce. Celui-ci comprend connaissances techniques de pointe, relationnel important, spécialisation bien définie. Le management n’a plus forcément la cote : ce n’est que la cerise sur le gâteau, en aucun cas ce n’est le fonds de commerce. Choisit-on un bon plombier parce que c’est un bon manager d’hommes, ou parce que c’est un excellent spécialiste et qu’il a une clientèle renommée qui lui fait confiance ?

15 avril 2004

THE DAY AFTER

Le film récemment sorti sur les écrans parisiens, « The day after tomorrow », semble être à l’origine d’une controverse aux USA, car il met en question l’implication écologique de l’administration BUSH à un moment particulièrement délicat de période pré-électorale.

Plus prosaïquement il rappelle le nom de code donné il y a quelques vingt ans à un plan de survie après un sinistre majeur dans la filiale française d’un groupe multinational de produits de grande consommation. Ce plan, « The day after », préfigurait les plans de continuation d’activité (PCA) devenus cruciaux sinon à la mode, depuis les récentes catastrophes (AZF, incendie du Crédit Lyonnais, inondations) sans compter les risques de terrorisme.

Parallèlement à ces préoccupations, la Préfecture de Police de Paris a lancé une opération de sensibilisation et d’inventaire pour amener les entreprises à anticiper les conséquences possibles d’une crue du siècle de la Seine.

Ces considérations devraient pousser tous les dirigeants à mettre en chantier des plans de survie et les cabinets d’audit seraient inspirés d’inscrire dans leurs check-listes, le diagnostic des mesures envisagées et la qualité des recommandations et des procédures élaborées. Les assureurs constatent en effet que plus de 50% des firmes ayant fait l’objet d’un sinistre majeur ne survivent pas au premier anniversaire de celui-ci.

Or, le très court terme, dans ces situations, est aussi sinon plus déterminant que l’échéance à un mois : que doit-on faire le lendemain même, a-t-on un standard de rechange, que dit-on aux clients ? Dans l’exemple évoqué ci-dessus, la société avait conclu que le meilleur argument pour prouver sa capacité de réaction consistait à procéder dés le lendemain aux relances des clients débiteurs en retard de règlement.

Nommer un responsable de projet, établir la méthodologie, répartir les rôles, tester les procédures, actualiser au moins une fois par an le plan de survie : telles sont les étapes d’un plan susceptible d’être efficace en cas de besoin. En aucun cas il ne s’agit d’un gadget. Cela ne fait que confirmer l’importance grandissante de l’appréciation des risques en général dans les facteurs de réussite des sociétés.

CHANGER DE JOB

Régulièrement dans une vie professionnelle, à 27 ans comme à 48 ans, revient l’envie de changer d’employeur : pour un refus d’augmentation, pour une promotion retardée, pour un conflit de personnes, parfois déguisé en « désaccord stratégique », pour une lassitude d’ordre général, à la suite d’un constat d’échec difficilement rattrapable au sein même de son organisation ou tout simplement pour évoluer et voir autre chose, il vient à certains l’envie irrépressible de partir.

Analyse

Il convient alors d’analyser sa situation de façon rationnelle et non émotive et de se donner d’abord le temps de la réflexion avec le recul que cet exercice exige. Ceci nécessitera un travail de plusieurs semaines ou mois, et l’on s’attachera à détailler par écrit les composantes factuelles, professionnelles, techniques, mais aussi humaines, psychologiques et même irrationnelles (elles comptent également), ou mêmes philosophiques et existentielles de son insatisfaction. Il n’est pas rare de vouloir remettre en cause son mode de vie trop occidental, trop citadin, trop économique, au profit d’une approche plus altruiste ou plus « slow ».

Dans un deuxième temps, il faudra analyser ses objectifs professionnels, à court terme mais surtout à moyen sinon à long terme. Peu nombreux sont ceux qui sont capables de se projeter à 15 ou 20 ans et de s’imaginer quelle place ils occuperont entre 45 et 55 ans, à une période de leur vie où il sera beaucoup plus difficile d’infléchir son parcours professionnel et où les cartes seront presque définitivement battues et jouées.

Or rétrospectivement on s’aperçoit que très peu de professionnels ont réellement géré leur carrière, malgré les déclarations orgueilleuses de certaines stars de la réussite : 95% des individus, y compris les plus prestigieux, ont « surfé  » sur les opportunités qui leurs ont été successivement offertes et non sur celles qu’ils ont suscitées eux-mêmes. Antoine RIBOUD disait avec humour, humilité et un brin de provocation que BSN-DANONE n’était pas devenu un leader des produits de grande consommation alimentaire du fait d’une démarche stratégique particulièrement visionnaire, mais plus prosaïquement à la suite de l’échec de son OPA sur SAINT GOBAIN qui l’a obligé, volens-nolens, à abandonner ses prétentions sur les contenants pour se retourner vers les contenus.

Cette analyse des objectifs devra être faite méthodiquement et par écrit et sans prendre en comte à ce stade les métiers visés, on détaillera les critères professionnels et les choix de vie que l’on privilègeria : technique ou contacts, sédentaire ou mobile, domestique ou international, spécialiste ou manager, petite ou grande structure, organisation informelle et à risque ou structurée et plus contraignante.

On prendra également soin à viser alors l’étape N+2 et non juste l’étape suivante, car il est préférable de ne pas avoir à refaire obligatoirement la même démarche dans 3 ou 5 ans, mais d’avoir une assez bonne certitude qu’une évolution en interne sera alors possible.

Quel que soit l’objectif à court terme, toute la démarche dans la gestion de sa carrière visera à se constituer progressivement et à tout instant un réel « fonds de commerce« , c’est à dire un ensemble de compétences, d’expertises, de savoir-faire, et de relationnel que l’on devra être en mesure de concrétiser si nécessaire en une création d’activité autonome. Le fonds de commerce est bien plus qu’un poste aussi prestigieux soit-il, et certainement plus qu’un métier, qui ne met pas à l’abri d’un accident professionnel. C’est celui que l’on pourra indistinctement « revendre », à une société, à des partenaires, à des clients.

Même sur le plan macro-économique une société a plus besoin de « créateurs » de valeur ajoutée, au risque de l’échec, que de pseudo-fonctionnaires à la recherche d’une case à remplir à quelque niveau que celle-ci se situe.

Modes et mythes

A ce stade on se méfiera tout particulièrement des modes et des mythes sociaux. En France tout le monde veut devenir « manager » : hélas tous ne pourront le devenir et surtout peu en ont toutes les composantes. Est-il raisonnable de risquer son avenir pour un mythe au lieu de devenir le « pape » de sa spécialité : combien d’excellents directeurs de marketing se sont perdus en voulant endosser à tout prix le costume supposé plus prestigieux d’un directeur général.

Il était aussi stupide de vouloir se lancer à tout prix et par ambition irraisonnée dans le high-tech en 2000, que d’ambitionner de devenir « haut-fonctionnaire » (forcément « haut ») par frilosité en 1995 au plus-fort de la crise, comme plus de 50% des étudiants des grandes écoles selon un sondage de l’époque.

Enfin il est de bon ton de vouloir se donner un destin international : ce qui est un atout en terme d’ouverture et d’apprentissage à 25/30 ans, peut devenir un réel handicap à 45/55 ans conformément à l’adage « loin des yeux (du siège et du pouvoir) loin du cœur (et de l’ascension). Pour un MAISONROUGE chez IBM (ex numéro 2 du groupe dans les années 1980), combien de petits vice-roitelets définitivement « collés » dans leurs lointaines provinces.

Il en est de même des groupes dits internationaux qui ne le sont que dans les 2/3 bas de la pyramide et où les postes clés sont systématiquement confiés aux nationaux du pays du siège ce qui se conçoit facilement sur le plan culturel. Quelle que soit sa maîtrise de l’anglais un professionnel non britannique ne sera jamais à l’aise dans les codes de l’oxbridge de même qu’un non américain pourra difficilement saisir toutes les subtilités (ou le manque de subtilité) d’un groupe implanté dans le middle-west.

Inventaire

L’herbe serait-elle donc toujours plus verte ailleurs ? Bien sûr que non : si la société idéale existait tout le monde voudrait y être et les plus brillants y seraient déjà. En outre si telle société est plus attractive aujourd’hui, le sera-t-elle dans 5 ans ? Tout leader finit par s’endormir sur ses lauriers (GENERAL MOTORS, NOKIA) quand il ne perd pas par arrogance toute notion de la réalité (ENRON, VIVENDI).

Au lieu de vouloir absolument quitter son organisation et avant même d’en entamer la démarche il convient de passer en revue, honnêtement et exhaustivement toutes les pistes internes. Parce que celles-ci existent toujours, d’autant plus si la société est importante. Parce qu’il est toujours dommage de perdre le capital de connaissances spécifiques, de pratiques, de codes et de relations accumulées en interne et qu’il est si difficile (et risqué) de reconstituer à l’extérieur. Parce qu’enfin il est souvent sinon toujours possible de se « construire » un métier et une spécialisation en interne, alors qu’en externe on ne fera que remplir une case quel que soit le niveau de celle-ci.

Faire l’inventaire des pistes internes est donc indispensable et prioritaire sur toute démarche externe et l’on y apportera la même énergie et exhaustivité que dans sa recherche extérieure.

Recherche

La recherche extérieure est un exercice de « marketing » : c’est le lancement d’un produit, soi-même. Il ne faut donc pas se tromper, cela prends du temps (entre 6 et 18 mois) et c’est un job presque à plein temps.

Après avoir défini les objectifs à moyen terme (stratégie), après avoir fait l’inventaire en interne (le terrain), il faut cerner les cibles c’est à dire les métiers, les postes et les sociétés (tactique).

Il convient d’abord de se souvenir de la règle absolue : on ne change pas de métier et de société en même temps. C’est un principe de sécurité et de réduction du risque pour le professionnel comme pour l’entreprise. On pourra infléchir sa carrière de 5° à 15°, mais pas prendre un virage à 180°. Pour cela il vaut mieux le tenter en interne si sa société le permet, sinon il vaut mieux l’oublier plutôt que de pester contre « la frilosité et le manque d’imagination » des entreprises et des intermédiaires.

Une fois le métier défini, il faut établir la liste des sociétés cibles. Eviter pour cela de restreindre à la demi-douzaine de stars de la place : tout le monde pense à L’OREAL dans les produits de grande consommation, or ce groupe recrute très peu de candidats en cours de carrière et privilégie la sélection interne dans un « vivier » qu’il cultive jalousement.

Il ne faut pas ensuite perdre de vue la loi des grands nombre et ce d’autant plus que l’on est déjà avancé dans son parcours professionnel. Un directeur financier d’une société de 100 millions d’euros aura un périmètre théorique de quelques 1000 sociétés cibles possibles. Mais en tenant compte des sociétés publiques inaccessibles, (disons -200) des sociétés en perte et en difficulté (-300) des sociétés que l’on considérera culturellement ou « managérialement » indésirables (-150), des sociétés trop importantes où le calibre du poste visé est trop ambitieux (- 100), du taux de rotation à ce niveau de poste qui est de 7 ans et enfin du fait que la moitié des postes seront pourvus en interne, on trouvera qu’il ne reste que 18 postes accessibles, soit 1.5 par mois. En considérant que par rapport à tous les concurrents potentiels à un instant donné l’on ait 1 chance sur 30 (nombre de personnes contactées et/ou rencontrées en moyenne par un chasseur de têtes dans le cadre d’un mandat de recherche) de décrocher un des postes accessibles, il faudra attendre statistiquement entre 0 et 20 mois, soit 10 mois en moyenne pour trouver « chaussure à son pied ».

Le calcul est le même pour les postulats plus juniors et le résultat est similaire, les deux termes, numérateur (sociétés-postes-cibles) et dénominateur (candidats potentiels, étant proportionnellement plus importants).

D’où l’intérêt, pour accroître ses chances et accélérer ses recherches, d’agrandir le numérateur c’est à dire les entreprises ciblées et de mener tous les contacts de front, et non par vagues ou par couches (si ma priorité A ne marche pas, je me replie sur B …) ce qui ne fait qu’allonger les délais.

On intégrera dans le processus, et surtout à partir d’un certain niveau d’expérience (soit à partir de 35 ans), la concrétisation de son fonds de commerce par la création éventuelle d’une entreprise individuelle. Cette approche sera menée en parallèle avec la recherche externe qui bénéficiera par effet de résonance des idées dérivées ainsi suscitées par « cross-fertilization », et des contacts pris dans ce cadre.

In fine, il est plus gratifiant de rencontrer le dirigeant d’une société en lui soumettant un projet véritable à la recherche de capitaux, de signature, d’équipes techniques ou de partenariat, plutôt que de ne présenter qu’ « un projet (dit) personnel » réduit à une simple et banale recherche d’emploi.

Gagnant-gagnant

Bien qu’une recherche extérieure soit hautement consommatrice en temps, émotionnellement mobilisatrice et potentiellement déstabilisante (par les incontournables refus essuyés), le professionnel devra se garder de perdre de vue ses objectifs internes dans la société qu’il envisage de quitter. D’abord pour éviter tout risque de déstabilisation immédiate, parce que d’éventuelles difficultés internes handicapent toujours la capacité de se vendre efficacement à l’extérieur, et enfin parce que, si l’on doit quitter son employeur, il faut le faire en situation de gagnant, pour son amour-propre et pour maximaliser ses chances de réussite dans la nouvelle société (lire aussi « Les 100 jours » dans la même série d’éditoriaux).

Accessoirement une forte mobilisation en interne et une situation de réussite pourra ouvrir des opportunités insoupçonnées et déboucher sur un rebond au sein de sa société jusqu’à rendre artificielle l’insatisfaction initial à la source de l’ensemble de l’exercice.

15 janvier 2005

A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU

Time is money : c’était le slogan à la mode dans les années 50-60 après des années de taylorisme aux USA et avant que Chaplin ne commence à en ébranler le socle dans les « Temps Modernes ». Cela s’est ensuite traduit dans les années 80 par l’arrivée en masse des séminaires de gestion de temps, où Jean-Louis SERVAN SCHREIBER, notamment, se faisait une seconde réputation et où les volumineux  » organizers » fleurissaient et faisaient la fortune de FILOFAX, en préparant le lit des Palm et autres tablettes.

Aujourd’hui la tendance est au « slow » et l’excitation managériale n’est plus « in ». Après le succès de la « force tranquille », une approche plus « zen » devenait de mise dans les affaires, et les Steve JOB, Bill GATES et SOROS plus sereins ont remplacé les BOREL caricaturalement trépidants. Il est désormais de bon ton de s’occuper d’une ONG mondiale et d’aborder Davos avec une vision quasi alter-mondialiste et l’on passera pour un nouveau riche en s’affichant comme un suppôt inconditionnel du profit à tout prix. Bref il convient désormais de donner le temps au temps.

Or, pour la plupart, le temps reste un luxe inabordable. Et la gestion de celui-ci est aussi peu répandue que la gestion de sa carrière dont tant se réclament mais que fort peu pratiquent réellement. Il n’est que de constater les horaires des « cadres » (doit-on rajouter « supérieurs ») français honteux de quitter leurs bureaux avant 19 heures 30 alors que la plupart de nos voisins se considèrent inefficaces s’ils s’arrêtent après 17 heures. Enfin qui n’a pas été émerveillé par sa propre productivité à la veille de partir en vacances : il est alors possible de réaliser en une journée ce que l’on fait en temps normal en une semaine.

Le temps étant une denrée rare (et chère : amusez-vous à calculer votre taux horaire sur une base annuelle, congés et charges comprises – soit plus de 100 euros par heure pour un salaire annuel brut de 100.000 euros) il est indispensable de l’utiliser intelligemment. Et comme toute allocation de ressources, celle-ci doit être établie en fonction des enjeux en présence.

La gestion du temps est donc classiquement un exercice « top-down » : il faut répartir la ressource, dans un intervalle de mesure, en proportion des objectifs qui vous sont assignés ou de ceux que l’on se donne. Ces objectifs sont de 3 sortes :

– les objectifs professionnels découlant des responsabilités du poste occupé,

– les objectifs professionnels que l’on se donne dans le cadre de sa gestion personnelle de carrière,

– les objectifs personnels que l’on veut réaliser pour « réussir » sa vie et celle de sa famille.

Ignorer les objectifs personnels dans le cadre de sa vie active, c’est souvent mettre en danger celle-ci, car la frustration qui découlera d’un échec éventuel, influera immanquablement et à des degrés divers, qui pourront même être dramatiques, sur la carrière professionnelle : combien de divorces sont dus à une poursuite effrénée du succès professionnel et combien de divorces sont la cause d’échecs professionnels retentissants ! A un niveau plus ludique la réalisation du grand voyage en Inde que l’on prépare depuis des années sera la récompense et le rebond d’un parcours professionnel réussi.

Les objectifs professionnels que l’on se donne personnellement sont ceux qui permettent de construire son « fonds de commerce » personnel : ils ne sont pas contradictoires avec ceux liés à ses responsabilités purement professionnelles, mais complémentaires dans la mesure où ils permettent d’y atteindre l’excellence tout en développant une expertise unique et une connaissance exceptionnelle du métier et des ses acteurs sur le marché.

Il n’empêche, comme on pourra le constater, que sur les 3 types d’objectifs retenus, 2 sont de nature personnelle : rien d’étonnant à cela, il est naturel que l’on consacre entre 10 et 20% de son temps professionnel à son propre accomplissement. L’adage ancien « mens sana in corpore sano » a été remplacé par, « il faut être bien dans sa peau » pour réussir.

L’horizon, ou l’intervalle de mesure du temps, est le second paramètre à prendre en compte. Cet horizon pourra s’étendre :
– sur plusieurs années (lancement d’un produit ou d’une nouvelle activité),
– plus classiquement, sur un an (rythme des bilans, des budgets – et des révisions de salaires),
– sur le trimestre (reporting des sociétés cotées),
– sur le mois (reporting à la maison mère)
– ou la semaine (rythme quasi biologique et notamment celui de la cellule familiale – et de nos agendas).

Dans la pratique on analysera ses objectifs par écrit, que l’on déclinera en 10 à 20 « items » précis, détaillés, quantifiés et définis dans le temps (date de réalisation). On décomposera en modules plus petits, les objectifs trop importants (plus de 60 demi-journées) ou trop étendus dans le temps (plus de 9 mois). On essaiera de définir pour chaque » item » une priorité « stratégique » de réussite (AAA, AA, A) et une urgence (1,2,3). Enfin on tentera d’affecter à chaque « item » un crédit-temps, estimé très grossièrement et « à la louche », en demi-journées.

On comparera ensuite la somme des temps ainsi alloués avec le temps disponible (par semaine, mois, trimestre et année) et il sera alors certainement nécessaire de faire des équilibrages et des arbitrages pour faire coïncider les ressources et les emplois. Il sera aussi indispensable de revoir régulièrement ses objectifs et par conséquent son allocation de temps, en fonction des évènements et de l’évolution des priorités et des urgences.

Les plus courageux feront même un suivi du temps passé et mettront en pratique ce que les sociétés de conseil connaissent depuis des décennies : les « time sheets ». Tout l’intérêt sera de constater les « fuites », les « pertes de temps », la croissance incontrôlée du poste  » divers », et finalement le besoin de remettre à plat son organisation personnelle.

D’où l’intérêt également de mettre une fois par mois par écrit le bilan de son action. Que ce soit pour son patron, son encadrement ou tout simplement pour soi-même, il est important de synthétiser ses travaux et ses réalisations et de constater leur adéquation (ou leur éloignement) avec ses objectifs initiaux. Le « rapport d’activité » ne doit pas être pas un exercice d’autosatisfaction intéressée, mais bien un outil d’analyse de son travail et de correction de ses priorités.

En résumé, gérer son temps prend du temps, mais comme il est plus facile d’en perdre que d’en gagner, il importe de l’utiliser intelligemment et avec parcimonie : dans toute une vie active (de 25 à 65 ans) il n’y a « que » 16.000 demi-journées de travail contre 14.000 de loisirs, le tout pour préparer les quelques 11.000 demi-journées d’inactivité qui suivront, compte tenu d’une espérance de vie de 80 ans ; quel boulot !

15 février 2005

REMUNERATION DES DIRIGEANTS

Le sujet a été récemment soulevé à nouveau par les médias, à la suite des affaires VINCI et EADS et certains de leurs anciens dirigeants. Celles-ci ont été à l’origine du projet d’amendement BALLADUR sur les stock-options.

En fait les critiques s’exercent à 3 niveaux :

      • sur la rémunération à proprement parler,
      • sur les compléments de rémunération, bonus, participation aux résultats et avantages en nature,
      • sur la participation au capital et plus particulièrement sur les stock-options.

Concernant la rémunération de base, certains se sont interrogés sur la justification d’un coefficient multiplicateur pouvant aller jusqu’à 1400, entre les plus bas et les plus hauts salaires au sein de certaines entreprises. Or on ne peut contester aux entreprises et à leurs actionnaires le droit de définir librement la rémunération de leurs dirigeants. D’autant plus lorsqu’il s’agit de grands groupes, « champions » mondiaux dans leur domaine et subissant la comparaison par rapport aux rémunérations de leurs homologues internationaux. Mais on peut discuter du bien fondé de telles pratiques sur la base de sains principes de management.

Il est courant de considérer qu’au sein d’une organisation normalement et harmonieusement structurée, l’écart de rémunération entre deux niveaux hiérarchiques ne doit pas être inférieur à 10% et ne devrait pas être supérieur à 30%.

En effet, si l’écart est inférieur à 10%, ceci indique que l’organigramme est artificiellement alourdi dans la géométrie d’une « armée mexicaine » et que l’on emploie des collaborateurs d’un niveau trop proche de celui de leur supérieur direct, sans que le bon fonctionnement de l’ensemble le justifie.

Si par contre l’écart est de plus de 30%, ceci induit qu’aucun supérieur ne pourra être remplacé à court terme par l’un de ses collaborateurs directs (« replacement plan »), que le niveau de qualification entre chaque niveau est trop important et in fine que l’organisation est fragile, un nombre réduit de têtes pensantes faisant fonctionner une « piétaille » sous qualifiée, sans relais fiables et pérennes. Si malgré tout on peut parfois trouver des justifications possibles à ce type de structure dans certaines entreprises, il sera difficile de promouvoir un collaborateur sous-payé au niveau supérieur au risque de le perdre au profit de la concurrence, quel que soit son ajustement de salaire (faible, il partira – élevé, il aura le sentiment d’avoir été trop longtemps sous-évalué et sera tenté de remettre en jeu sa fidélité immédiate ou sa loyauté future).

Or, même avec un écart uniforme de 35%, il faut 24 niveaux pour obtenir un différentiel de 1400. Ce qui représente une pyramide particulièrement pointue, alors que la tendance est d’aller vers des organigrammes plus plats, permettant de réduire le nombre de niveaux hiérarchiques.

Le second niveau, celui des compléments de rémunération ‘principalement bonus) est moins sujet à discussion, à condition qu’il s’applique à la plus grande partie possible des effectifs (même avec des modes d’attribution différenciés), et que la somme de ces compléments reste dans une limite de 20 à 100% de la rémunération de base. Au delà, s’ils sont économiquement justifiés, il est préférable et plus sain d’en intégrer une partie dans le salaire et/ou d’en reporter l’excédent sur un ou plusieurs exercices ultérieurs, ou enfin de les transformer en participation au capital.

Quant à la participation au capital, elle se justifie   soit par la prise de risque (start-up), soit par l’accroissement réel et durable de valeur (société en forte croissance), soit par la somme des deux (société au bord de la liquidation mais en redressement). Dans tous les cas de figure elle implique un investissement financier du dirigeant, ne serait-ce que pour démontrer sa foi dans les résultats escomptés de son action. La société peut y apporter un effet de levier sous forme d’abondement. Mais le système sans risque des stock-options classiques (pile, je gagne, face, je ne perds rien et n’exerce pas mon option) semble plus facilement sujet à critique.

Le 15 septembre 2006

21 juin 2004

PS : Une récente étude de 2019 sur les patrons de 200 grands groupes américains donne un ratio moyen de 254 entre les rémunérations du dirigeant et de l’employé de base, avec un record à 2500 pour Manpower.