Sommaire :
Lettre au président de la république (février 2019)
Le grand chamboulement (février 2016)
Refondation (octobre 2008)
Lettre au Président de la République
Monsieur le Président et cher compatriote,
Comme la plupart des français, et même ceux qui déclarent ne pas vouloir vous lire, j’ai pris connaissance avec intérêt de votre lettre du 13 janvier à vos concitoyens.
Je suis pleinement en accord avec le préambule de votre lettre, sur nos valeurs et nos aspirations. Également sur le chapitre de la violence, qui devrait définitivement exclure du dialogue ceux qui s’y adonnent, qui l’invoquent ou qui la justifient.
Parmi les quatre chapitres ouverts aux propositions, les impôts et plus largement les dépenses publiques méritent certainement une attention particulière tant leur poids est important et leur contrepartie attendue.
Recettes
Je suis depuis toujours opposé à l’ISF, à cause de sa singularité au niveau européen, de son rendement médiocre, du coût de sa collecte et de ses effets contreproductifs sur le plan économique. Il est donc important de ne pas revenir sur ce sujet pour contenter des réactions démagogiques, sachant que le rétablissement de cet impôt n’améliorerait que très marginalement le niveau de nos recettes et par conséquent l’ordinaire de nos concitoyens.
Il convient cependant de rappeler les origines récentes du mouvement jaune (les origines les plus lointaines datant de 1973 avec la crise pétrolière et nos premiers déficits). Ce fut d’abord la hausse non compensée de 1.7% de la CSG des retraités et la non indexation des retraites sur l’inflation qui s’est élevée à 1.8% en 2018. Puis indirectement la limitation de la vitesse à 80 kms à l’heure sur les routes secondaires (bien que cette mesure ne rallonge un trajet de 40 km que de 3 minutes, fait économiser du carburant et peut sauver des vies). Enfin, et très directement, la hausse des carburants (justement), a été l’élément déclencheur, même si on avait alors oublié que l’essentiel de la hausse était dû à celle des cours du pétrole et non à celle de la taxe. Or si les deux premières mesures, bien qu’économiquement défendables, constituaient des maladresses tactiques, la dernière a été mal expliquée et appliquée à contretemps.
Il n’en reste pas moins que la question fiscale fait figure de mastodonte incontournable et que la grande remise à plat, tant attendue, reste une arlésienne difficilement crédible. Ce n’est pas une raison pour ne pas explorer certaines pistes
Tout d’abord restructurer l’impôt sur le revenu (soit 73 Mds en jeu). En instaurant un taux minimum de 1% (si la fusion de l’IR et de la CSG reste écartée) afin que chacun puisse participer aux charges de la nation et que l’on ne puisse plus dire que la moitié des foyers ne paie pas d’IR. Sur la base même d’un SMIC brut mensuel de 1521 euros cela représente un coût de 15 euros par mois, soit moins de 2 paquets de cigarettes avantageusement économisés pour la santé. En contrepartie la progressivité de cet impôt pourrait être accrue avec cinq tranches supplémentaires à 5, 10, 20, 40 et 60 (on est loin des 80% mis en place par Roosevelt à l’époque du New Deal). Ainsi le seuil de la dernière tranche pourrait être porté à, disons au-delà de 265.000 euros par exemple (soit votre propre rémunération globale, hors avantages en nature) contre 156.245 pour le seuil actuel de la tranche à 45%.
A ce niveau il convient de faire une remarque sur la comptabilité nationale : il est injuste et trompeur de compter les niches fiscales, dérogations, abattements et autres crédits d’impôts comme des diminutions de recettes. Il serait plus juste de les traiter en dépenses et d’en approuver chaque année la charge dans le budget : voter la construction d’une route nationale (et je ne parle pas de ronds-points) ou la réduction d’impôts pour un investissement d’outre-mer procède d’une même volonté de satisfaire telle ou telle catégorie de concitoyens. Or ces niches représentent plus de 100 Mds dont 75 Mds pour les niches fiscales dans lesquelles le CICE compte pour plus de 20 Mds : cependant on n’a jamais entendu le MEDEF critiquer les niches fiscales.
Autre piste possible : la refonte des droits de successions (enjeu 15 Mds), qui constituent une rente stérile et une source d’inégalités. Et ce d’autant plus que, du fait de la hausse de l’espérance de vie à 87 ans, les successions profitent de plus en plus à des foyers plus aisés, proches de la retraite, qui ont déjà pu constituer leur propre capital. Une telle réforme est supposée politiquement à risque, mais devrait pouvoir être clairement et simplement expliquée, car tous en surestiment le poids : alors que 2/3 des foyers héritent de peu ou rien, 10% captent la moitié des héritages. Or ceux-ci représentent chaque année 10% du PIB soit plus de 200 Mds, dont 35 Mds pour les seules assurances vie non assujetties. Il serait alors plus juste de passer l’abattement actuel de base de 100.000 euros à 250.000 euros (correspondant à la valeur d’une résidence principale en province de 100 m²) et de passer le seuil de la dernière tranche à 60% à 2.650.000 euros (pour être cohérant ave l’IR, soit aussi 10 ans de celui-ci).
Je laisse à Bercy le soin de vérifier les effets de ces 2 propositions (IR et successions), n’ayant ni les données ni les outils pour faire des simulations.
Au niveau des collectivités, il serait préférable de scinder la collecte de la TVA en deux, soit une part nationale et une part régionale, plutôt que de rétrocéder aux collectivités 100 Mds par an. Seule une partie correspondant à la péréquation mutualisée pour réduire les inégalités resterait du ressort de l’Etat. Ceci responsabiliserait les régions et leurs sous-administrations (départements, communautés urbaines et de communes, communes) en leur garantissant des recettes mécaniques et les pousserait à accroître leurs activités marchandes et leur PIB. Cela permettrait en outre à l’Etat de concentrer ses efforts sur les domaines régaliens. Enfin cela accélérerait le processus d’une décentralisation véritable.
A ce niveau une autre parenthèse s’impose sur le plan international : celle de l’unanimité toujours requise en matière fiscale au niveau européen. La France doit certainement baisser sa charge fiscale, mais ne peut supporter la concurrence de pays où la charge réelle de l’impôt sur les sociétés est de 10% ou moins. Comme en d’autres temps, pas si anciens, notre pays devrait menacer et appliquer si nécessaire la politique de la chaise vide, tant qu’un début de convergence n’est pas décidé, sur l’IS notamment (25 Mds en jeu). Mieux un mécanisme de compensation entre le taux moyen européen de 23% et les taux nationaux, tant pour ceux en deçà qu’au-delà de la moyenne, pourrait alimenter le budget européen d’investissement en gestation. Quel meilleur outil pour aboutir plus rapidement à la convergence, même étalée sur disons 5 ans ? Avec 25 Mds d’IS pour un taux nominal de 33.3%, la France devrait ainsi rapidement verser ou baisser sa collecte de 8 Mds d’IS.
Dépenses
Du côté des dépenses publiques, il est évident que notre niveau avec 52 % est élevé et même à 8 points au-dessus de la moyenne de l’UE. Même si les budgets des administrations publiques (Etat, collectivités, hôpitaux) peuvent et devraient être équilibrés, et donc neutres sur le solde budgétaire et/ou public, il n’est pas interdit de penser que, pour être concurrentiels au niveau international, il est préférable que le secteur marchand ait plus d’espace pour investir et exporter. Or la réduction des dépenses publiques est un parcours de longue haleine. Le Canada, la Suède et la Hollande ont mis entre 10 et 15 ans pour y parvenir. Réduire cette dépense de 8 points sur 2 mandats, soit près de 100 Mds par mandat (hors retraites, car la nécessaire et bonne réforme en chantier ne peut qu’être économiquement neutre pour être politiquement acceptable), constitue une gageure.
Il n’en reste pas moins que les dépenses publiques ne sont pas forcément critiquables en elles-mêmes. La système de santé américain est essentiellement privé, donc hors dépenses publiques, et coûte néanmoins 2 points de plus qu’en France avec une efficacité moindre. Les mutuelles françaises, hors secteur public, ont des frais de gestion doubles de ceux de la Sécurité Sociale.
A ce niveau, une autre parenthèse s’impose ici par rapport à l’Allemagne, éternel sujet de comparaison. Certes, le différentiel de dépense publique avec la France est plus élevé encore, soit 12 points de PIB. Mais les infrastructures allemandes sont notoirement sous développées. Les dépenses de défense (dans un piètre état selon un récent rapport) y sont de 1.2% du PIB contre près de 2% en France. Mais surtout, si l’Allemagne semble plus vertueuse sur le numérateur du ratio Dépenses/ PIB, elle est critiquable sur le dénominateur. En effet le PIB est la somme des valeurs ajoutées et donc aussi la somme de la consommation, des investissements et du solde de la balance commerciale. Or les exports nets de l’Allemagne sont de plus de 350 Mds soit près de 10% du PIB alors que l’UE n’autorise pas un dépassement de plus de 7%. Cette balance excédentaire résulte bien sûr de l’efficacité du Mittelstand , les PME allemandes, mais aussi de l’avantage que le pays tire de l’effet panier de l’euro. En effet si l’Allemagne n’était pas dans l’euro, le DM serait largement réévalué, leurs exportations pénalisées et les autres pays seraient avantagés d’autant. Ainsi si par magie, le différentiel entre les soldes nets de l’Allemagne et de la France (dont le déficit de la balance commerciale dépasse 50 Mds) de 400 Mds était divisé par deux, notre pays aurait un PIB majoré de 200 Mds, un ratio dépenses sur PIB réduit de 8 points et un déficit public transformé en excédent substantiel.
Mais la magie n’étant pas encore un outil économique homologué, il nous faut trouver un gisement d’économies de 100 Mds par mandat, soit 20 Mds par an. Il faut donc idéalement initier chaque année 10 projets à 2 Mds en moyenne. Or public et privé sont intimement imbriqués. Il n’est que de voir la bronca des ambulanciers (privés) lorsque l’on a voulu économiser sur les transports hospitaliers qui représentent un enjeu de plus de 4 Mds.
Il faut oser. Osons donc. Osons proposer une première mesure, la privatisation complète des services d’urgences hospitaliers, engorgés par la disparition des dispensaires et la défection des médecins généralistes qui assuraient les premiers filtrages. Ce poste représente 3.4 Mds selon un rapport du Sénat.
Osons encore. Osons fusionner toutes les aides à la personne : allocations familiales 50, quotient familial 30, APL 18, RSA 10, aide sociale à l’enfance, aux handicapés aux personnes âgées 7 Mds Chacune etc… (enjeu plus de 120 Mds) en allouant à chaque foyer bénéficiaire un montant fixe, inversement proportionnels aux revenus du travail et plafonnés. Outre les gains de gestion, une telle mesure permettrait de mieux aider les plus nécessiteux et de mettre fin à des incohérences coûteuses.
Osons enfin proposer pour chaque fourniture de médicaments en pharmacie, ou pour chaque acte médical ou intervention en hôpital et clinique, une facture pro forma indiquant la dépense réelle. Ce système serait plus immédiat et plus simple qu’une facture annuelle et virtuelle des coûts publics.
Je laisserai aux autres l’initiative des propositions suivantes, à conditions qu’elles soient chiffrées
Dette
Après les impôts (recettes) et les dépenses (publiques), abordons la dette. Elle représente près de 100% soit un an de PIB (contre 63.8% à fin 2007), soit 40 points au-dessus des mythiques 60% mis en place à Maastricht. Rappelons que les USA se situent bien au-delà, protégés par le dollar, mais à la merci de la Chine, principal détenteur de ses bons du Trésor. De même pour le Japon avec 200%, et une dette essentiellement domestique, quoique à la merci de la démographie déclinante du pays. De même pour l’Italie avec 140%, mais doublement à la merci d’une démographie en berne (taux de fécondité de 1.4) et d’un système politique en capilotade. Passer de 100% à 60% soit une diminution de la dette de plus de 500 Mds, suppose de garder le cap pendant 10 ans (2 mandats), sans aucune crise financière et/ou internationale, avec un excédent de disons 2%, ce qui suppose une économie de 5 points par rapport à un déficit public récurent de près de 3%. Gageure !
Un des moyens de « domestiquer » la dette française, en la mettant à l’abri de la spéculation étrangère, consisterait à ne faire bénéficier les placements d’assurance-vie des avantages fiscaux liés à la succession (lire plus haut), qu’aux placements investis en bons du Trésor français. L’en-cours des contrats d’assurance-vie étant de 1700 Mds, ceci couvre plus de 3 fois le différentiel de 40% sur PIB. Le procédé pourrait être critiquable en droit européen, mais il devrait être assez facile de contourner le problème, les bénéficiaires des successions étant principalement des résidents français.
Par ailleurs, le secteur public n’est pas le seul à se financer par un endettement massif. Ainsi ALTICE, chouchou des bourses, traîne une dette de 50 Mds pour un CA de 26 Mds en 2017. La valeur ajoutée, donc le PIB, d’une entreprise du secteur des services représentant en moyenne 2/3 du CA soit ici un peu plus de 15 Mds, le groupe a donc un ratio de dette sur VA (donc PIB) de 333%. Il en est de même pour le groupe LAGARDERE et bien d’autres.
Solde 2019
Enfin, sur le très court terme, votre gouvernement a pris des mesures immédiates pour donner un premier début de réponse aux revendications du mouvement jaune. Ces mesures ont un coût : 10 Mds. Même si les effets positifs sur la consommation et donc la croissance et les recettes sont indiscutables et déjà annoncés, il est prudent d’en assurer au moins partiellement le financement. Dans ce contexte il est étonnant qu’aucune voix (à part celle de Daniel COHEN) ne s’élève pour réclamer la remise en cause de la transformation en 2019 du CICE (soit un coût de 20 Mds), de remboursement du crédit de 2018, en diminution de charges. En trésorerie, les entreprises bénéficieront donc en 2019 du paiement du crédit d’impôt ET de la baisse des charges. Ceci correspond pour les particuliers au cumul sur l’année du prélèvement automatique avec le paiement de l’impôt sur l’exercice précédent !).
Les second et quatrième chapitres concernent l’organisation des structures politiques et leur fonctionnement qui sont intimement imbriqués.
Le non cumul des mandats semble acté et ancré, il serait absurde et suicidaire de revenir là-dessus. Reste à mettre en place la limitation du nombre de mandats
La réduction du nombre des députés de 577 à 404 est une mesure saine, non pour l’infime économie générée, mais (outre le symbole) pour une plus grande efficacité avec des moyens accrus. La part proportionnelle devrait se situer au quart. Le chiffre symbolique de 102 (comme le nombre de départements français) pourrait être retenu. Dans cette hypothèse les petits partis avec 5% des voix auraient dans l’immédiat 5 représentants au moins. Les trois partis arrivés après votre candidature au premier tour des présidentielles auraient au moins 20 députés et seraient quasi assurés de pouvoir constituer un groupe. Par-contre il serait judicieux et sain, bien que politiquement hasardeux, de supprimer notre bien aimé système à 2 tours, qui permet toutes les combinaisons d’appareils et le maintien dans le temps de partis croupions.
Le vote blanc ne devrait être compté que si le vote est obligatoire comme en Belgique afin de ne pas traduire le vote blanc par « tous pourris » en le gonflant artificiellement.
A ce niveau une nouvelle parenthèse s’impose : celle de la représentation syndicale. L’adhésion avec cotisations des salariés à un syndicat devrait être obligatoire. Ceci permettrait une véritable représentativité (taux de syndicalisation actuel 8%), la prééminence des centrales modérées et accessoirement un financement plus transparent (budget actuel estimé à 600M dont 200M de cotisations seulement).
Le Sénat devrait affirmer sa vocation de protecteur des territoires et de la ruralité notamment. Un système comparable à celui des USA avec 2 sénateurs élus par département, renouvelable par tiers une seule fois, soit sur 12 ans maximum, serait un progrès. On pourrait y adjoindre, pour l’équilibre des territoires, un sénateur pour chacune des 22 grandes métropoles officielles.
Enfin le CESE devrait être transformé, après avoir supprimé les conseillers actuels, en « pré-chambre » de représentants du peuple, tirés au sort pour 6 mois, qui devraient, avec l’aide d’experts (nommés par le Sénat par exemple), valider les grands projets soumis ensuite aux parlementaires. Il jouerait ainsi le même rôle sur le plan économique, social, et environnemental, que le conseil d’Etat sur le plan juridique.
Les compétences des différents niveaux administratifs devraient être clairement et durablement définis, pour éviter les doubles emplois, les délais et les conflits. Les arbitrages de compétence devraient être du ressort des régions et non de l’Etat, pour contribuer à l’effort de décentralisation.
Le RIC, enfant illégitime du RIP, peut être envisagé à condition que son déclanchement soit précisé (aux 100.000 signataires suisses, abondamment cités ces derniers temps, correspondraient 780.000 signataires en France, (au prorata des populations), que l’on pourrait arrondir à 1 million. Il est en outre indispensable que ses domaines soient précisés, en excluant toute mise en cause de la Constitution, des traités internationaux et des grands principes de droit. Enfin la sanction et/ou la destitution des élus en cours de mandat n’est pas acceptable, car si le peuple est souverain, c’est par ses représentants et non par internet, sinon pourquoi voter, autant cliquer et « liker » en permanence.
Les lois devraient être obligatoirement appliquées et toute loi dont les décrets d’application ne seraient pas promulgués dans les 9 mois, devrait être annulée. En revanche la Constitution devrait être sanctuarisée et une seule modification devrait être admise par législature. Nous en sommes en France à la 5ème Constitution et dans celle-ci à 24 révisions en 60 ans. La Constitution américaine n’a subi que 27 amendements en 231 ans. La constitution est comme la fiscalité : plus elle est stable, plus elle est forte.
Au risque de déborder du cadre défini par votre lettre, il serait urgent, au niveau européen, de mettre en place une « chambre » Eurogroup au sein du Parlement Européen qui puisse légiférer sur son périmètre en lieu et place de la réunion mensuelle, peu transparente, des ministres de finance (qui pourraient garder l’initiative des propositions) et dont le caractère intergouvernemental ne peut que retarder les décisions prioritaires ou faire prendre des décisions inefficaces (comme dans le cas de la crise grecque).
Le troisième chapitre concerne la transition écologique. Il convient d’y ajouter les problèmes de migration et donc d’identité et de laïcité, car les migrations seront liées à l’avenir aux problèmes climatiques, et aux désordres géopolitiques qui en découleront. Sur ce second point il convient de définir (au CESE ? voir ci-dessus) ce en quoi nous croyons et quels sont nos objectifs. Mais au niveau de l’action nous ne pourrons mettre en application ces principes qu’au niveau de l’UE, après avoir accepté les compromis obligatoirement nécessaires, car nous ne sommes pas une ile et ne pourrons ériger des murs à chacune de nos frontières.
La même approche sera nécessaire pour la transition écologique, car même si nous adoptons des politiques volontaristes nationales, leur efficacité ne sera réelle qu’au niveau européen et ne pourra avoir un effet d’entrainement international qu’à cette condition. Nous pouvons interdire le glyphosate, nous ne pourrons pas empêcher les importations de fourrages ou d’aliments pour humains contaminés. Nous pouvons interdire le diésel, mais pas les nuages « transfrontaliers » de CO² et de particules. Nous pouvons taxer les carburants, mais nous n’éviterons pas que les camions traversant notre pays fassent leur plein dans le pays le moins coûtant.
A ce chapitre il aurait fallu joindre la culture : c’est par elle, comme par l’éducation, par les idées et les arts que nous pourrons transformer la pensée collective et promouvoir un idéal européen, une « nouvelle frontière » dans le bon sens du terme, une « maison commune ». Le programme ERASMUS a été un bon levier dans ce domaine, il faut s’en inspirer ailleurs.
C’est pourquoi, Monsieur le Président, votre volontarisme européen est si précieux. Sur le plan national, comme l’a dit Thomas BUBERL, patron du groupe AXA, vous avez déjà réalisé en 15 mois ce qui n’avait pas été fait en 15 ans. Il vous reste 45 mois pour achever ce qui n’a pas été fait depuis 1958 ! (autre date mythique, celle de la Constitution actuelle).
MMK
Le 1er février 2019
Le grand chamboulement
En ce début d’année 2016, le modèle économique, démocratique et stratégique de notre monde européen civilisé est soumis à des secousses telles qu’elles remettent en question les fondements mêmes de nos croyances sinon de nos certitudes.
Le monde est devenu plus dangereux. Le Moyen Orient est devenu une pétaudière mortelle, incompréhensible et incontrôlable. La Chine, locomotive de la croissance mondiale des 20 dernières années, se replie sur elle-même et sa sphère d’influence revendiquée. La Russie, minée par un pétrole en chute libre sur la base d’une économie non diversifiée, s’enfonce dans un irrédentisme périlleux et un activisme militaire erratique. L’Amérique, ancien gendarme du monde, se préoccupe désormais plus des états d’âme de sa classe moyenne blanche, coincée entre noirs et latinos, entre très pauvres et ultra-riches, quitte à aduler un milliardaire populiste, auprès duquel l’extrême droite européenne passerait pour un repaire de gauchistes. Partout en Europe les partis populistes, ultra-conservateurs ou quasi libertariens montent en puissance.
La démocratie est en danger. Les partis politique ont perdu l’oreille des peuples. Les partis classiques de centre droit ou de gauche sociaux démocrates, sont remis en cause du fait, de leur incapacité à sortir les pays de crise, de leur refus de renouveler leurs appareils et leurs dirigeants « historiques » accrochés à leurs positions de rente locales ou nationales, et des scandales et abus de droits où ils se sont illustrés. Les élus parlementaires sont contestés au point que le principe du tirage au sort de l’antique Agora redevienne un sujet de discussion.
L’économie aussi devient une source de périls. La croissance et les échanges sont victime de la doxa libérale et mondialiste qui devait contribuer à leur développement. La financiarisation de l’économie mondiale validée par les monétaristes et favorisée par une Amérique souhaitant titriser sa dette monumentale, a amené la crise de 2008. Le développement des services et la recherche de rendements élevés, à 15% des capitaux, ont tué les industries des pays développés, en favorisant par ailleurs l’essor de monstres technologiques défiscalisés et sans frontières (GAFA, STARBUCK et autres IKEA). La concentration des capitaux et des investissements sur ces derniers, ont accru les inégalités et jugulé la progression des salaires et leur participation aux gains de productivité, et privé de carburant une consommation déjà atone à cause des mesures d’austérité prétendant résoudre le problème de l’endettement. Tout cela au risque d’une croissance désormais condamnée à osciller entre 1% et 2% en période faste, d’une déflation menaçante, d’une « uberisation » low-cost des activités et des métiers, enfin d’un risque d’explosion sociale que l’on se refuse à voir et qui fait le lit des nationalismes et extrémismes de tous genres.
Tout n’est cependant pas perdu. Si un pays seul comme la France a peu de chance de s’en sortir par lui-même, l’Europe, « corps malade » du monde développé conserve des atouts à condition de mettre en branle une « refondation » complète de ses objectifs et de ses moyens, jusqu’à devenir un laboratoire et une référence, en accouchant au forceps d’un modèle nouveau géostratégique, politique, économique et social. Mais ce modèle reste à inventer et son consensus reste à trouver.
En attendant, la monnaie commune existe. Ceux qui n’en veulent pas devraient sortir ! Un Trésor commun et une fiscalité convergente et resserrée (autour de 25% d’IS, ni 15 ni 33) sont impératifs.
Un Exécutif fédéral et un Parlement fédéral, directement élus au suffrage universel, devraient avoir une compétence définitive sur les domaines fédéraux préalablement et durablement acceptés, laissant aux Etats les domaines clairement définis comme subsidiaires.
Une diplomatie fédérale devrait soutenir une politique internationale conjointement arrêtée. L’Europe n’a pas besoin de 28 fois 190 ambassades dans le monde. Pas plus que de 28 fois 28 ambassades en Europe.
L’UE représente un effectif militaire de 1.5 M hommes (et femmes) pour un budget global de 300 Mds : en affecter 20% à un corps européen serait une avancée majeure et une assurance sur l’avenir.
L’Europe achète près de deux tiers de son énergie hors de l’Union : elle a besoin d’une centrale d’achat commune face à l’OPEP et autres fournisseurs en attendant une plus grande indépendance grâce à l’électrique d’origine renouvelable.
L’Europe ne consacre que 2% de son PIB aux investissements contre 4% aux USA : porter ceux-ci à 3% soit plus de 750 Mds et en consacrer chaque année 20% à des projets communs, fournirait un levier de 1500 Mds sur 10 ans, alors que le projet GALILEO (GPS européen) a péniblement obtenu 3.5 Mds en s’étalant sur 15 ans depuis 2001. En comparaison, le logiciel truqueur de VW risque de lui coûter entre 50 et 70 Mds qui auraient été mieux employés en recherche.
L’éducation et la santé devraient constituer un projet commun en prenant les meilleures idées des uns et des autres et en mettant en place des centres spécialisés et de recherche d’excellence en santé.
Enfin la protection sociale et la portabilité des droits (en formation, chômage et retraite) devraient être harmonisées, afin de ne créer ni inégalités ni distorsions à la concurrence.
Le 19 février 2016
Refondation
Il n’est question depuis le début de la crise « financière », devenue économique depuis, que de « refondation », des règles, du régulateur, de l’éthique, du capitalisme (libéralisme, économie de marchés et mondialisation inclus), de Bretton Woods (tarte à la crème au même titre que les multiples « Grenelle » mis à n’importe quelle sauce). Or les mêmes thèmes avaient été invoqués en litanie (à l’image du « poumon » de DIAFOIRUS dans le » Malade imaginaire » de MOLIERE) après l’affaire ENRON, sans que rien depratique n’en découle, si ce n’est les procédures SOX, récemment remises en cause pour leur lourdeur. Reprenons donc les éléments objets de la critique.
Le libéralisme né au XVIIème siècle avec HOBBES, LOCKE, RICARDO, TURGOT et MILL, avait pour ambition de défendre les droits naturels de la propriété et de la liberté, et ne niait pas le rôle de l’Etat en tant qu’arbitre et régulateur de dernier ressort, à condition que celui-ci n’outrepasse pas ses droits au détriment des citoyens.
L’économie de marché développée à la même époque par Adam SMITH proposait une confrontation autorégulée (la « main invisible ») par les prix de la demande et de l’offre, et ne faisait que s’opposer à toute pratique directive de l’Etat (de type colbertiste à l’époque, relayée bien plus tard par l’économie planifiée) en consacrant la spécialisation des métiers, des sociétés et des pays.
Le capitalisme (de MARX à WALRAS) a mis en évidence dès le XIXème, l’effet d’accumulation de capital, possible grâce machinisme supplantant le travail, et à son effet de levier par l’investissement. Se substituant à l’esclavage-servage, puis au système corporatiste favorisant l’excellence – le « chef d’œuvre » – mais pas l’innovation), le capitalisme ne fait que théoriser une évolution de l’économie par l’accélération du progrès, grâce à l’épargne et à l’investissement.
La mondialisation, fille du mercantilisme britannique du XVIIème, puis du libre-échange du XVIIème, confortée par le colonialisme du XIXème siècle, a amplifié cette accélération du progrès jusqu’à notre époque de communication et de liberté de commercer, avec comme limite l’équilibre des termes réels de l’échange (monnaie, protection sociale, écologie).
Tout cela ne serait alors que chimère et perversion ? Faut-il réinventer un nouveau modèle dénué de tout péché originel ? Et jeter le bébé avec l’eau du bain, uniquement pour apparaître comme le sauveur d’un système qui fonctionne depuis près de 2 siècles, mais dont les pilotes successifs (ultralibéraux et néoconservateurs de tous poils) n’ont pu résister à l’ivresse de la vitesse, jusqu’à le précipiter dans le fossé. La critique apparaît donc vaine sinon hypocrite et à la limite manipulatrice.
Car de tous temps les règles sont faites pour être tournées, le régulateur pour fermer les yeux et satisfaire le pouvoir en place tant qu’aucune catastrophe ne semble se profiler, et l’éthique pour agrémenter le marketing (tel le label écologique, aujourd’hui sollicité par n’importe quel fabriquant de voitures aussi polluantes soient-elles, pourvu qu’elles le soient moins de quelques grammes de CO² que le modèle précédent).
Des règles sont certes nécessaires, à conditions d’être simples, permanentes et à vocation universelle, à l’inverse de la législation française, inextricable dans ses empilements, sans cesse remaniée au grès des modes politiques et des faits divers, et qui a la plus grande difficulté à se hisser au niveau européen et à en admettre l’indispensable harmonisation. Un régulateur, bien sûr, à condition qu’il soir désigné au niveau de l’Union et que ses décisions soient acceptées, et non contestées en permanence comme celles de la BCE. Un gouvernement économique européen, pourquoi pas, à condition qu’il émane d’un pouvoir politique européen (fédéralisme ?). Plus de moralité, certainement, ce qui implique plus de solidarité et moins d’inégalité dans le traitement des puissants et des manants. Plus de transparence surtout, car elle constitue le révélateur ultime de toutes les turpitudes (« plus le singe monte à l’arbre, plus … »)
C’est à ce prix, sans effet de manche et par un travail constant et acharné, que l’on pourra préserver une économie suffisamment libérale, au bon sens du mot, c’est à dire préservant la liberté pour tous de vivre en harmonie et décemment par le travail, et que l’on évitera le chaos « du grand soir » à force d’exacerber les inégalités extrêmes et de chauffer la marmite jusqu’à qu’elle explose.
Le 29 octobre 200